Menus d'automne, 4 au 10 novembre 2020

Quand je passe devant une fenêtre de laquelle sortent des odeurs de cuisine alléchantes, j'essaie d'imaginer ce qui se mijote, quels ingrédients sont utilisés, comment ils sont préparés; j'ai envie de pousser la porte et m'attabler pour écouter la personne qui cuisine et goûter à son repas. Quand je vais au marché, à l'AMAP ou dans un commerce alimentaire, j'ai plaisir à porter mon regard sur tous les aliments, à envisager qui pourrait être préparé avec qui et comment, à rêver des repas qui naîtront de ces rencontres. Quand je passe devant un restaurant, j'ai plaisir à lire le menu du jour, voir ce qui a inspiré le ou la chef.fe, éventuellement me dire que j'y mangerais volontiers, sinon me demander si je ne pourrai pas m'en inspirer pour un repas. L'individu dans sa cuisine, le producteur, le commerçant, le restaurateur... tous m'aident à cuisiner différemment de la veille, à me renouveler et à accéder aux infinies saveurs de la vie. 

Quand je passe devant une librairie, je ne peux pas m'empêcher de m'attarder devant sa vitrine. Tous ces titres, toutes ces couvertures, sont autant d'invitations à m'évader, à rêver, à comprendre, à apprendre, à pleurer, à rire. Ces livres sont comme des odeurs de cuisine alléchantes, m'appelant à entrer et m'attabler. Sauf que dans ce lieu magique, il y a des milliers de plats et chaque mètre parcouru dans les rayons offre un condensé de promesses contrastées et uniques. Chaque livre m'offre la perspective d'un horizon nouveau, une autre vision du monde. Il n'y a que des chemins hors des sentiers battus, que des terrains nouvellement défrichés. De la même manière que je n'achète pas des aliments dans le seul but de reproduire à l'identique les plats que j'ai toujours cuisinés, l'achat d'un livre n'est pas un acte précis et prémédité pour accéder à un contenu déjà maîtrisé. J'ai besoin d'être tentée, d'être inspirée. Le désir de consommation est aussi palpitant que la consommation même. 

Donc oui, les librairies sont des commerces essentiels, comme nos commerces alimentaires. Sans librairie, les livres gisent dans des entrepôts, avec pour seule consolation d'être élus par un clic, dans un acte prémédité soit par un consommateur soit par un algorithme. 
Le Covid-19 va-t-il finir par enlever le goût et l'odeur de tout ce qui fait la richesse de nos vies? 

En attendant la réouverture de nos librairies, qui donnent tant de saveurs à nos villes et nos quartiers, il nous reste la possibilité de commander chez eux. C'est mieux que rien. 
Les menus de la semaine seront donc alimentaires et livresques, pour donner envie de manger et de lire. 

Bonne semaine, bonne cuisine, bonne lecture!

Menus d'automne

Menus de la semaine:

8 repas:

Pour animer les débats autour de la table
, je recommande le roman qui a rencontré un grand succès aux Etats-Unis: American Dirt de Jeanine Cummins. Il est question d'une femme vivant à Acapulco au Mexique, mariée et mère d'un garçon, libraire, heureuse, qui du jour au lendemain doit quitter son pays pour fuir le cartel de sa ville, devenant ainsi une migrante. Le roman est trépidant, documenté, poignant parce qu'il raconte la réalité de nombreux migrants mexicains.

Pour les discussions à table des couples confinés: 
Lorsque le conflit s'invite dans un couple, on se demande toujours ce que l'autre peut bien penser pour se comporter ainsi. Le livre Fleischman a des ennuis, premier roman de Taffy Brodesser-Akner, raconte la vie d'un couple séparé, d'abord du point de vue de l'homme, puis de celui de son ex-femme. Le récit est dense d'histoires dans l'histoire, se tend lorsque l'ex-femme disparaît, surprend par ses rebondissements. Le roman évoque la complexité des parcours et des relations, qui ne peuvent rarement être résumés par quelques affirmations, et aborde également la question des rôles dans le couple. 

En guise de dessert
, pour apaiser les esprits et réfléchir sur notre rapport à la maison et la vie domestique, je vous conseille le passionnant essai de Mona Chollet, Chez soi, une odyssée de l'espace domestique. Ecrit bien avant que le monde découvre le confinement, l'ouvrage explore avec beaucoup d'ouverture d'esprit de très nombreux thèmes: le plaisir d'être chez soi, le problème du mal-logement, l'épineuse question du partage des tâches, la tyrannie de la vie domestique parfaite, les architectures de la maison... 

Pour le goûter des enfants (8-11 ans):
le dernier Mortelle Adèle est sorti (Mortelle Adèle et la galaxie des Bizarres) et pour les fans de l'indomptable rouquine, cette nouvelle fera plus d'effets qu'un gâteau au chocolat (et puis pour ceux qui ne sont pas fans, il ne reste plus qu'à préparer un gâteau au chocolat).

Pour les weekends confinés où on rêve de nature: 
Je recommande très vivement le livre magnifiquement illustré L'Oasis qui raconte l'histoire de la renaissance d'un jardin. Une famille achète une maison dans l'Oise avec un jardin tristounet et décide de consacrer du temps, de la patience et de la bienveillance pour en faire un espace riche en biodiversité. L'auteur est un illustrateur de talent, faisant de cet ouvrage une merveille à lire et à contempler.


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