Menus d'hiver, 20 au 26 janvier 2021

Comme beaucoup de gens, j'écoute la radio pendant mon trajet maison-travail. Ces temps d'écoute sont des bouillons d'images, d'idées, de débats souvent passionnants, l'occasion de découvrir des sujets ou des points de vue différents voire inconnus. Ce sont des courts moments que je trouve très stimulants (surtout qu'ils se superposent à des opportunités incroyables de contemplation de paysages, d'oiseaux et de passage des saisons) qui me donnent envie d'acheter le livre ou de regarder le film de l'invité de l'émission, ou de me documenter sur un thème abordé. En général, une fois arrivée à destination, le travail ou la famille engloutissent mon attention et j'oublie ma passion passagère. Certains invités ou certaines émissions marquent un peu plus parfois, survivent au grand coup de balai du quotidien pour imprimer un souvenir. 

Je voulais partager un extrait découvert ainsi cette semaine. Si vous avez plaisir à contempler le monde naturel mais êtes tourmenté.e.s par une conscience écologique, cet extrait résonnera peut-être chez vous aussi.

"Ce qui le décourage surtout, non, ce qui l’effraie, c’est que depuis peu il s’est mis à regarder la lune – elle est pleine depuis hier soir – comme si c’était la seule chose qu’il pouvait encore contempler sans ressentir un malaise. Le soleil ? Impossible de se réjouir de sa chaleur sans aussitôt penser au réchauffement climatique. Les arbres que les vents agitent ? Il est taraudé par la peur de les voir se dessécher ou périr sous la scie. Même l’eau qui tombe des nuages, il a l’impression déplaisante de se croire responsable de sa venue: «Vous savez bien qu’elle va bientôt manquer partout! » Se réjouir de la contemplation d’un paysage? Vous n’y pensez pas – nous voilà responsables de chacune de ses pollutions [...] Non, décidément il ne peut calmer ses inquiétudes qu'en posant son regard sur la lune: de sa ronde, de ses phases, au moins il ne se sent pas du tout responsable; c'est le dernier spectacle qui lui reste. Si son éclat t'émeut tellement, c'est parce que de son mouvement, enfin, tu te sais innocent. Comme tu l'étais naguère en regardant les champs, les lacs, les arbres, les fleuves et les montagnes, les paysages, sans penser à l'effet de tes moindres gestes. Avant. Il n'y a pas si longtemps."

Extrait du livre de Bruno Latour, "Où suis-je?", Editions La Découverte

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